AUX ORIGINES DU KENJUTSU


Entamer un travail de recherche sur l' origine de Kyo Hachi Ryu, c'est un peu comme faire des recherches généalogiques : On tire le fin fil de l'histoire et on tente de le remonter au delà du temps pour en glaner les précieuses informations tant recherchées.

A l'heure d'internet cela devrait être des plus simple, seulement...

...Il y a de nombreuses bobines : certaines ont disparues dans l'oubli, d'autres dans les flammes ou la destruction  des guerres successives; quant à celles qui restent, elles sont le plus souvent enchevêtrées les unes dans les autres.
Malgré notre ténacité et nos doigts agiles nous n'avons pu démêler les deux plus importantes :
Celle de l'histoire et celle du légendaire. Force est de constater qu'elles sont indissociables !
A bien y réfléchir et avec le recul, ce fait n'est peut être finalement pas un obstacle mais une opportunité :
Après tout, en tant qu'individus et pratiquants, n'avons nous pas également et simultanément été tissés par, à la fois ce que nous avons vécus concrètement et par les histoires que l'on nous a raconté ?
Par à la fois le tangible du factuel et l'impalpable de l'imaginaire ?
Tel le sabre utilisé, la pratique de l'escrime japonaise a, de tous temps forgé le corps et l'esprit des hommes. La rigueur et l'engagement physique qu'elle exige, ainsi que les valeurs qui lui sont associées ont depuis ses origines influencé nombre de personnages peux communs.
Notre quête sur la source des huit écoles de Kyoto nous à mené à découvrir trois d'entre eux :


Minamoto no Yoshitsune

Minamoto no Yoshitsune est un des héros folklorique les plus connus au Japon :
Il a inspiré nombre de poèmes, d'écrits, de pièces de théâtre et même encore aujourd'hui de jeux vidéos et de mangas...
Suite à la mort de sa famille et à l'éradication quasi complète de son clan par Taira no Kiyomori, il est placé dès son plus jeune âge au temple de Kurama. Il y sera élevé par des moines sous le nom d' « Ushiwakamaru » .
Selon la légende il y aurait été entrainé par un Tengu (créature légendaire) afin de développer la capacité d'assouvir sa vengeance, qu'il finalisera lors de la bataille de Dan no Ura.
Après la fin de cette guerre il s'installera à Kyoto.
Il sera à la fois réputé et critiqué pour ses tactiques perçues comme peux orthodoxes par ses pairs.
Il se serait inspiré de techniques de ninjutsu et de stratégies apprises à Kurama.
Associé au célèbre moine guerrier Benkei, il finit par être opposé à son frère et trahi par le clan Fujiwara.
Lors d'une dernière bataille  et malgré sa résistance, il se donnera la mort par seppuku.
La légende donne un nom à lame utilisée : « Imatsurugi », un sabre court magique lui ayant été donné lors d'une apparition sur le mont Kurama. On en trouve l'évocation lors de festivité encore aujourd'hui.
Une autre légende de la période Edo, raconte qu'il aurait survécu à la bataille de Koromogawa et aurait traversé la mer afin de rejoindre la Mongolie d'ou il devint Genghis Khan...


Taira No Masakado

Ce féroce samuraï appartenant au clan Taira restera dans la mémoire collective japonaise comme certainement le premier rebelle d'un clan s'opposant à l'empereur  lui même (Suzaku en 935) et l'initiateur des évènements qui allait ouvrir aux rebellions historiques qui allaient changer le Japon.
Après avoir gagné plusieurs batailles il s'empara de la plaine du Kanto (lieu de l'actuel Tokyo) et s'autoproclamera lui même empereur : Il ne le restera que durant trois mois avant d'être tué par un guerrier de son propre clan (Taira no Sadamori) au service de Fujiwara no Hidesato. Sa tête aurait été empalé sur un pic près d'une rivière à Kyoto.
Une légende raconte qu'elle ouvrit les yeux et ne cessa de grincer des dents qu'après qu'un poète lui conta un poème qui le fit rire. La tête s'envola pour atterrir à plusieurs endroits dans la région de Kanto, on dressa sur chacun d'entre eux des sanctuaires le déifiant. Le plus célèbre est le kubizuka (monticule ou tombe) de Taira no Masakado à Tokyo. L'endroit devant être détruit suite à un tremblement de terre, fut finalement toujours entretenue, Taira no Masakado devint en quelque sorte le saint patron de la ville.
Nombre de personnes souhaitant partir en voyage et revenir en sécurité viennent y apporter des figures de grenouilles en allégorie au mot « kaeru » qui s'ignifie à la fois grenouille et revenir...


Yoshioka Kenpo

Yoshioka Kenpo, issu d'une famille de teinturier aurait été formé aux techniques de Kenjutsu par Minamoto no Yoshitsune.
Il fut célèbre pour être devenu l'instructeur des shoguns Ashikaga à Kyoto et pour avoir développer, disait on, une école et des techniques de combats incomparables.
L'histoire nous raconte qu'il aurait finalement été véxé après s'être fait blessé accidentellement par un acteur de théâtre nô lors d'une représentation chez le shogun.
Il se serait vengé grâce à une arme qui aurait été introduite clandestinement dans le palais. Pour ce fait, il fut jugé. Après avoir évincé nombre de ses assaillants, il finira par être tué.
La légende raconte que le shogun Ashikaga Yoshiteru organisa un combat entre les héritiers de Yoshioka et Shinmen Munisai (père du célèbre Myamoto Musashi), ce dernière l'emporta deux victoires contre une, ce qui provoqua une grande rivalité entre les deux familles.
Celle-ci se soldera par, une génération plus tard, l'une des confrontation les plus racontées et décrites : celle d'un certain Myamoto musashi contre les frères Yoshioka, notamment évoqué dans le célèbre roman « La pierre et le sabre ».
Si l'issue de ce combat varie en fonction des narrateurs, il est certains qu'elle continue d'abreuver les imaginaires...



Ces trois samuraïs mythiques, aux histoires singulières ne nous mèneront sans doutes pas aux origines purement historiques du kenjutsu.
Pourtant l'inspiration qu'ils nous offrent pourrait bien nous ouvrir une voie nous menant au delà d'une source inatteignable.
Elle me rappelle la métaphore que nous offre ce conte zen :

Un archer souhaitait décocher la lune.
Il n'y parvint jamais.
Pourtant, il devint un archer des plus accomplis.

Cette histoire ainsi que celles de nos recherches nous rappellent que la perfection n'existe pas et qu'il n'y a finalement peut être ni but, ni origine à atteindre, juste un chemin sur lequel progresser sans cesse ? 

Laurent Vitureau

Image : Kiichi Hogen no Maki estampe de Kuniyoshi (1849)

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